Les équipes maudites: la génération Robben-Sneijder-Van Persie


Si l’histoire ne retient que les vainqueurs, celle du football fait le plus souvent la part belle à ceux qui pour une raison ou une autre ne sont pas parvenus à aller au bout. En effet, la mythologie de ce sport regorge de perdants magnifiques et d’éternels seconds. Parmi ces poulidors du ballon ronds figurent un certain nombre de sélections qui malgré des qualités évidentes et des effectifs de haut niveau ne sont pas parvenues à s’installer sur le toit du monde. Pis, certaines d’entre elles n’ont remporté aucun trophée majeur. Pour ce nouveau volet de notre série consacré aux grandes sélections non-titrées, intéressons-nous aux Pays-Bas du milieu des années 2000 à la fin des années 2010.

Une reconstruction réussie

Au sortir d’un EURO 2004 conclut par une élimination en demi-finales, l’heure est au changement du côté du staff Oranje. La légende Marco Van Basten remplace Dick Advocaat sur le banc. L’ancien buteur milanais arrive avec l’intention de tout changer. Il commence par rajeunir l’effectif en convoquant de nouveaux talents (Robin Van Persie, Dirk Kuyt, Ryan Babel, Jan Vennegoor Of Hesselink, Khalid Boulahrouz, Jan Kromkamp, Joris Mathijsen, Hedwiges Maduro, Tim De Cler, Dennis Landzaat, les gardiens Marten Stekelenburg et Henk Timmer…) et en confirmant certains éléments déjà en place (Rafael Van der Vaart, Arjen Robben, Wesley Sneijder, John HeitingaWilfred Bouma) ainsi que quelques rescapés de la génération précédente (Le gardien Edwin Van der Sar, Philip Cocu, Giovanni Van Bronckhorst, Roy Makaay, Ruud Van Nistelrooy, André Ooijer et Mark Van Bommel). Il écarte une ribambelle d’anciens cadres (Clarence Seedorf, Edgar Davids, Patrick Kluivert, Boudewijn Zenden, Marc Overmars, Frank De Boer, Michael Reiziger, Jaap Stam, Paul Bosvelt, Pierre Van Hooijdonk…) et change le système de jeu. Exit le traditionnel 4-3-3, place à un 4-2-3-1 plus moderne. Van der Vaart, Sneijder, Robben et Van Persie héritent des clés de l’équipe, chapeautés par Van Bommel, Van Nistelrooy et Van Bronckhorst. Van Der Sar quant à lui devient le capitaine. En dehors de la République Tchèque, le groupe de qualifications pour le Mondial 2006 est assez abordable (Roumanie, Finlande, Andorre, Arménie, Macédoine). Les hommes de Van Basten finissent invaincus (dix victoires, deux nuls) et se qualifient directement pour la coupe du monde 2006 grâce à leur première place de la poule. Malheureusement, ils seront peu vernis lors du tirage au sort. Les Pays-Bas se retrouvent dans le groupe de la mort avec l’Argentine, la Côte d’Ivoire et la Serbie-Monténégro. Peu de surprises sont à noter dans la liste définitive. En proie à des pépins physiques, Bouma n’est pas retenu. Makaay reste également à quai, lui qui n’était plus convoqué depuis 2005. Le jeune défenseur Kew Jaliens est l’invité-surprise. Vainqueurs de la Serbie-Monténégro (1-0) puis de la Côte d’Ivoire (2-1), les néerlandais valident leur billet pour le second tour dès le deuxième match et peuvent se contenter d’un nul contre l’Albiceleste (0-0). Deuxièmes du groupes, ils croisent le fer avec le Portugal en huitièmes de finales. Ce match rebaptisé plus tard La bataille de Nuremberg restera dans l’histoire comme l’un des plus controversés. Outre une algarade entre Van Nistelrooy et Van Basten qui vaut au premier d’être cantonné au banc, cette opposition électrique et haché tourne à la parodie de football. Complètement dépassé par les évènements, l’arbitre Valentin Ivanov distribue une vingtaine de cartons aux deux équipes qui finissent à neuf contre neuf (seize jaunes et quatre rouges). Réaliste à défaut d’être génial, le Portugal s’impose sur la plus petite des marges (1-0) et inflige aux Oranje leur seule défaite du tournoi. Cocu prend sa retraite internationale suite à cette élimination.

Tensions et EURO contrasté

Malgré les critiques sur le manque d’allant offensif (trois buts inscrits seulement) et sa brouille avec Van Nistelrooy, Marco Van Basten est reconduit dans ses fonctions et prolongé jusqu’en 2010. Il remet son équipe en ordre de bataille pour les qualifications de l’EURO 2008. Tête de série, les Pays-Bas bénéficient d’un tirage assez clément (Bulgarie, Roumanie, Albanie, Slovénie, Bélarus, Luxembourg) mais en interne, l’ambiance est de plus en plus délétère. Le conflit entre Van Nistelrooy et le sélectionneur s’envenime, surtout que ce dernier lui préfère le jeune Klaas-Jan Huntelaar. Van Nistelrooy met un terme à sa carrière internationale en janvier 2007. Van Bommel décide de boycotter la sélection tant que celle-ci sera coachée par Van Basten. Les jeunes pousses ont beau faire ce qu’elles peuvent, l’équipe ne se montre pas souveraine durant ces éliminatoires. Il faudra finalement la médiation de Van Der Sar pour que Van Basten et Van Nistelrooy règlent leur différend. Ce dernier revient sur sa décision et réintègre le groupe. Son apport sera précieux pour la fin des qualifications. Avec huit victoires, deux nuls et deux défaites, les néerlandais finissent seconds derrière la Roumanie et compostent leur billet pour la phase finale. Toujours privé de Van Bommel qui continue sa bouderie, Van Basten convoque de jeunes éléments s’étant illustrés lors de la campagne qualificative (Huntelaar, Ibrahim Afellay, Nigel De Jong, Orlando Engelaar, Demy De Zeeuw). Il rappelle Bouma mais aussi Mario Melchiot. Babel, blessé est remplacé par Boulahrouz qui n’avait pas été retenu initialement. Maduro, Landzaat, Jaliens, Urby Emanuelson et Danny Koevermans sont quant à eux écartés (la plupart d’entre eux intègreront l’équipe olympique par la suite). Les Oranje se retrouvent dans un groupe difficile (France, Italie, Roumanie). Pourtant, l’entame du tournoi sera exceptionnelle. Les hommes de Van Basten surclassent l’Italie (3-0) avant d’exécuter une France moribonde (4-1) et de laisser à l’équipe B le soin de défaire les roumains (2-0). Premiers du groupe, les néerlandais héritent de l’inattendue Russie en quarts. Menés au score, ils parviennent à égaliser mais s’inclinent pendant les prolongations (score final 1-3). Cette élimination sera vécue comme un gros couac.

Rebond et nouvelle épopée

Cet échec de plus ne sera pas sans conséquences. Van Basten quitte ses fonctions et part entraîner l’Ajax Amsterdam. Il est remplacé par Bert Van Marwijk, le beau-père de Mark Van Bommel. Ce dernier réintègre la sélection dans la foulée. Van Der Sar prend sa retraite. Stekelenburg devient le nouveau gardien titulaire. Van Marwijk n’effectue pas de gros changements dans le fonctionnement de l’équipe. Il intronise Van Bronckhorst comme capitaine. La blessure de Van Nistelrooy en novembre 2008 et la mise à l’écart de Vennegoor Of Hesselink le conduisent à faire de Huntelaar le titulaire à la pointe de l’attaque. De nouveaux joueurs sont également appelés ou rappelés (Gregory Van Der Wiel, Stijn Schaars, Eljero Elia…) au détriment de Melchiot et De Cler qui perdent leur place. Van Der Sar est provisoirement reconvoqué pour deux rencontres de qualification au Mondial 2010 avant de prendre une retraite définitive. Opposée à la Norvège, l’Islande, la Macédoine et l’Ecosse, la formation néerlandaise survole son groupe de qualification, remportant la totalité de ses matchs (huit victoires). Le retour à la compétition de Van Nistelrooy ne bouleverse pas les plans de Van Marwijk qui décide de se passer de ses services. Bouma, Engelaar et Emanuelson ne sont pas non plus convoqués. L’autre absent majeur est le vieillissant Timmer. Michel Vorm et Sander Boschker sont retenus pour servir de doublures à Stekelenburg. Le latéral gauche Edson Braafheid est également de la partie tout comme Babel. Versés dans un groupe comptant le Danemark, le Japon et le Cameroun, les néerlandais sont favoris. Ils assument leur statut en battant leurs trois adversaires, terminant premiers de la poule. Ils parviennent à venir à bout de la Slovaquie en huitièmes (2-1) avant de créer la sensation en éliminant le Brésil en quarts (2-1). Portés par un Sneijder stratosphérique (cinq buts durant ce Mondial), ils se défont l’Uruguay en demis (3-2) et se hissent en finale de coupe du monde pour la troisième fois de leur histoire. Opposés à une Espagne novice à ce stade de la compétition mais aux joueurs rompus aux joutes prestigieuses, les Pays-Bas résistent mais ne parviennent pas à faire la différence (Robben loupant une occasion en or). Ils s’inclinent finalement en prolongations sur une frappe d’Iniesta. Les Oranje perdent une fois de plus une finale de coupe du monde.

La désillusion de 2012

Si le beau parcours du Mondial a été salué, les critiques sur le style de jeu trop défensif des Oranje n’ont pas manqué de fuser. Bon an mal an, Van Marwijk est reconduit dans l’optique de l’EURO 2012. Van Bronckhorst et Ooijer, les derniers dinosaures de la période SeedorfKluivert prennent leur retraite. Van Bommel devient le nouveau capitaine. Têtes de série, les Pays-Bas tombent dans un groupe de qualification largement à leur portée (Suède, Finlande, Hongrie, Saint-Marin, Moldavie). Ils surclassent leurs adversaires (neuf victoires, une défaite). Van Nistelrooy est provisoirement rappelé pour deux matchs avant de disparaitre des petits papiers du sélectionneur pour de bon. Cités parmi les favoris à la victoire finale, les Pays-Bas jouent de malchance et se retrouvent dans le groupe de la mort en compagnie de l’Allemagne, du Portugal et du Danemark. Van Marwijk reste fidèle à son ossature de la coupe du monde et y greffe quelques nouvelles têtes (Ron Vlaar, Kevin Strootman, Luuk De Jong, Jetro Willems, Luciano Narsingh et le gardien Tim Krul préféré à Boschker). L’équipe a fière allure sur le papier mais rien ne va se passer comme prévu. Les néerlandais s’inclinent d’entrée contre le Danemark (0-1). Ils ne peuvent également faire la décision contre l’Allemagne (1-2). Quasiment éliminés à l’entame du dernier match contre des portugais obligés de gagner pour se qualifier, les hommes de Van Marwijk perdent de nouveau (1-2) et finissent dernier de leur groupe avec zéro point au compteur. Un énorme camouflet pour un favori. Ecœuré, Van Bommel annonce sa retraite internationale.

Le sursaut d’orgueil de 2014

Après ce fiasco, l’heure est sans surprise à la reconstruction. Van Marwijk rend sa démission. Une fois n’est pas coutume, la fédération fait du neuf avec du vieux et confie les rênes de la sélection à Louis Van Gaal avec pour mission de se qualifier pour la future coupe du monde. Il commence par revenir à un 4-3-3 plus classique et écarte Mathijsen, Bouma, Stekelenburg, Luuk De Jong et Boulahrouz. La méforme d’Afellay, en proie aux blessures, le met sur la touche. Van Gaal apporte pas mal de sang neuf (Georginio Wijnaldum, Memphis Depay, Daley Blind, Stefan De Vrij, Bruno Martins Indi, Daryl Janmaat, Jonathan De Guzman, Jordy Clasie, Jeremain Lens, Leroy Fer, Joël Veltman, Terence Kongolo, le gardien Jesper Cillessen…) et confie le brassard à Van Persie. Dans un groupe plus relevé qu’il ne parait (Roumanie, Turquie, Hongrie, Estonie, Andorre), les Oranje font le job et finissent premiers et invaincus (neuf victoires, un nul). Le tirage au sort de la phase finale les fait figurer dans un groupe difficile avec l’Espagne, le Chili et le Costa Rica. Pour ne rien arranger, la grave blessure de Strootman (rupture des ligaments croisés) et l’indisponibilité de Van Der Vaart (blessé à la cuisse durant un entraînement) conduisent Van Gaal à revoir ses plans et opter pour un 5-3-2 plus défensif. Les Pays-Bas deviennent une équipe de contres, au grand dam des caciques du beau jeu. Le premier match de poule contre l’Espagne viendra donner raison à Van Gaal. Vites menés au score, les Oranje égalisent un peu avant la pause avant de faire exploser leur adversaire grâce à des contres fulgurants (victoire 5-1). Ils battent ensuite l’Australie (3-2) puis le Chili (2-0) et s’adjugent la première place du groupe. Confrontés au Mexique en huitièmes, ils arrachent leur qualification dans les arrêts de jeu grâce à un penalty de Huntelaar (2-1). En quarts, ils ne peuvent prendre le meilleur sur le Costa Rica. Van Gaal frappe un gros coup en faisant entrer Tim Krul, le gardien remplaçant, juste avant la fin de la prolongation, du jamais vu à l’époque. Une fois de plus, le sélectionneur a eu le nez creux vu que Krul détournera deux tirs et permettra à son pays de se qualifier pour les demis. Opposés à l’Argentine, les Pays-Bas doivent encore s’en remettre aux tirs au but. Cette fois, Cillessen reste en jeu et effectue la séance. Malheureusement, ses coéquipiers se montrent moins précis et les Pays-Bas s’inclinent (0-0, 2-4 aux tirs aux but). Ils finiront tout de même le tournoi sur une note positive en battant un Brésil démobilisé et traumatisé (3-0) lors du match de classement.

La chute

Alors que ce bon parcours laissait augurer des lendemains radieux, il annoncera plutôt une période sombre. Van Gaal démissionne et part coacher Manchester United. Guus Hiddink lui succède, assisté par Danny Blind et Ruud Van Nistelrooy. Avec un groupe à sa portée (République Tchèque, Turquie, Kazakhstan, Islande, Lettonie) et un format très ouvert (qualification directe des deux premiers, le troisième devant disputer un barrage, à moins de finir meilleur troisième et de se voir offrir un strapontin direct), la qualification pour l’EURO 2016 semble n’être qu’une formalité malgré la retraite de Van der Vaart. Et pourtant, tout ira à vau-l’eau. L’équipe passe totalement à côté , perdant la moitié de ses matchs (quatre victoires, un nul, cinq défaites) malgré une ossature analogue à celle de la coupe du monde. Hiddink qui a démissionné fin juin 2015 après le sixième match est remplacé par Danny Blind. Ce dernier ne fera pas de miracles. Seulement quatrièmes de leur poule, les Pays-Bas restent à quai, un comble quand on regarde l’effectif. Cet échec retentissant ne sera malheureusement pas un accident. Les Oranje n’ont pas su se renouveler. La jeunesse n’a pas su prendre le pouvoir laissant les vieillissants Robben et Sneijder (Van Persie avait décidé de prendre du recul après la non-qualification à l’EURO) porter l’équipe. Les éliminatoires de la coupe du monde 2018 se solderont également par un échec. Versés dans un groupe très relevé (France, Suède, Bulgarie, Luxembourg, Belarus), ils terminent à égalité de points avec la Suède mais héritent de la troisième place à cause d’un goal différentiel défavorable. Cet échec entraînera le départ de Blind et signera la fin de carrière internationale de Robben qui se retire après seize ans de bons et loyaux services. S’ils sont parvenus à se qualifier pour l’EURO 2020 et la coupe du monde 2022, les Pays-Bas semblent tout de même être rentrés dans le rang et ne sont plus une sélection majeure. Comme nombre de ses devancières, la génération Robben-Sneijder-Van Persie n’a jamais rien gagné malgré son talent. Une triste habitude dans l’histoire du football batave.

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