Mario Jardel, une carrière brisée


Tombé dans l’oubli après une fin de carrière indigne de son statut, Mario Jardel fut pourtant l’un des meilleurs attaquants de la fin des années 90. Buteur patenté, ce pur renard des surfaces au jeu de tête impressionnant a brillé de mille feux dans le championnat portugais et a été l’un des scoreurs les plus prolifiques d’Europe. Mais victime de ses démons, sa carrière piquera définitivement du nez suite à son divorce et explosera en plein vol. Redécouvrons l’histoire de cet espoir déchu du football brésilien.

Les débuts

Né à Fortaleza, dans l’état de Ceara, en 1973, Mario Jardel de Almeida Ribeiro, comme tant d’autres avant lui, tape dans ses premiers ballons sur les terrains vagues de sa ville natale. Il pratique également le beach-volley, ce qui lui permettra d’améliorer sa détente, qualité qui sera déterminante dans son futur. Il ne met pas longtemps à se faire repérer. A tout juste seize ans, il est recruté par le Ferroviario AC, un club de Fortaleza. Il n’y restera que quelques années, le temps de faire ses gammes et de faire parler la poudre. Sa précision devant le but séduit des clubs plus huppés et il est débauché par le Vasco Da Gama en 1991. Il parachève sa formation dans le club carioca et est intégré à l’équipe première dans la foulée. Mais jugé trop juste, il n’est dans un premier sollicité que pour des matchs sans enjeu. Il joue son premier match avec la Cruzmaltino à dix-neuf ans en 1992. Pour cette première année, il doit se contenter de deux apparitions (un but inscrit). Il remporte cependant le championnat de l’état de Rio de Janeiro. C’est lors de ce championnat qu’il sortira de l’ombre en 1993. Il inscrit neuf buts en dix-huit apparitions aux côtés de Valdir, son partenaire d’attaque, et se montre déterminant dans la conquête du titre carioca. Il intègre dans la foulée la sélection U20 et est sélectionné pour la coupe du monde juniors 1993. Le Brésil remporte le titre mondial. Bien que peu utilisé (il n’a disputé qu’un seul match sans parvenir à marquer), il revient en club gonflé à bloc. Problème, il n’a pas la confiance de son entraîneur lorsque débute le Brasileirão (championnat de première division brésilien). Il ne joue que deux matchs. En coupe nationale, il n’est aligné que trois fois. Pas l’idéal pour faire ses preuves et trouver le chemin des filets. Il prend tout de même son mal en patience. Lors de l’édition 1994 du championnat carioca, il bénéficie d’un temps de jeu plus conséquent mais ne se montre pas très efficace (quatre buts en quatorze rencontres disputées). Les Camisas Negras remportent le titre de champion pour la troisième année d’affilée. En dépit de son apport limité, Jardel change de statut et est de plus en plus régulièrement sollicité. Cette année-là, il compte treize apparitions dans le Brasileirão (trois buts inscrits) et sept matchs en coupe du Brésil (trois réalisations).

L’explosion

N’étant pas dans les plans du staff technique de Vasco, Jardel est prêté en début d’année 1995 au Grêmio Porto Alegre. Sa carrière prendra une toute nouvelle dimension suite à ce prêt. Mis en confiance par l’entraîneur Luiz Felipe Scolari, il s’impose à la pointe de l’attaque de l’Imortal Tricolor et fait des ravages dans le Gauchão (Championnat de l’état de Rio Grande do Sul) en inscrivant 14 buts en 24 matchs. Le Grêmio remporte le championnat de l’état et Jardel, en pleine grâce, se montre tout aussi décisif lors de la coupe nationale (six buts en treize matchs) et le Brasileirão (dix buts en treize apparitions). Mais c’est surtout en Copa Libertadores (équivalent sud-américain de la Champions League) qu’il va franchir un cap. Il marque douze buts en quatorze matchs, termine meilleur buteur de la compétition et remporte le titre. Après une telle année (42 buts en 64 matchs TCC), il commence à attirer des formations européennes. Etrangement, Vasco ne le rappelle pas. Il entame donc l’année 1996 sous les couleurs et se montre déterminant dans la conquête du championnat de l’état (17 matchs, 8 buts). Il est également décisif lors de la victoire en Recopa Sudamericana (équivalent sud-américain de la Supercoupe). Malheureusement, le Grêmio perd son titre en Copa Libertadores (élimination en demi-finales contre l’America de Cali). Qu’importe pour Jardel qui est plus convoité que jamais par les équipes du Vieux Continent. Son départ en Europe semble inéluctable.

L’aventure portiste

Courtisé par le Benfica puis par les Glasgow Rangers (son transfert en Ecosse échoue à cause des restrictions britanniques sur les joueurs non-européens), c’est finalement en faveur du FC Porto que Jardel s’engage durant l’été 1996. L’adaptation sera rapide. Il trouve ses marques au sein de l’attaque portiste et devient l’un des avant-centres les plus efficaces d’Europe. Pour sa première saison avec les Dragões, il marque 30 buts en 31 matchs de championnat (il finit meilleur buteur du championnat) et trouve quatre fois le chemin des filets en huit rencontres de Champions League. Il termine l’exercice avec 37 buts marqués en 46 apparitions et glane son premier titre de champion du Portugal. S’il se montre un poil moins décisif en championnat lors de la saison 1997-1998 (26 buts en 30 matchs), il plante tout de même 39 buts toutes compétitions confondues, bien aidé par sa dizaine de réalisations en coupe du Portugal. Malheureusement, ses exploits ne convaincront pas Mario Zagallo, le sélectionneur du Brésil qui décide de se passer de ses services pour la Coupe du monde 1998. Il faut dire que depuis ses débuts avec la Seleção en aout 1996, Jardel n’a jamais brillé avec l’équipe nationale. Avec des concurrents comme Ronaldo, Romario, Bebeto, Edmundo, Elber ou Sonny Anderson, difficile pour lui de s’imposer. Lors de l’exercice 1998-1999, il se montre encore plus efficace. Meilleur buteur du championnat portugais pour la troisième saison d’affilée (36 buts en 32 matchs seulement), il inscrit 38 buts en 39 matchs TCC. Il remporte logiquement le Soulier d’Or Européen (trophée récompensant le buteur le plus prolifique d’Europe). Il fera encore mieux lors de la saison 1999-2000, la meilleure de sa carrière. Outre ses 38 buts en 32 matchs de championnat (et un quatrième titre consécutif de meilleur buteur), il inscrit également dix buts en treize rencontres de Champions League. Toutes compétitions confondues, il compte 56 buts en 50 matchs. Etrangement, il ne remportera pas le Soulier d’Or cette année-là, devancé par l’anglais Kevin Phillips qui finit en tête au nombre de points (Le Soulier d’Or récompense le buteur ayant obtenu le plus de points et non celui qui a inscrit le plus de buts. Ce système a été mis en place pour éviter que les joueurs des championnats moins cotés ne soient avantagés). Mais derrière ces succès sportifs, se cache une réalité moins reluisante. Accro à la cocaïne (il l’a lui-même révélé lors d’une interview en 2014), Jardel fut couvert par le médecin du club et le physiothérapeute.

Passage en Turquie

En dépit de ses statistiques impressionnantes, les grands clubs européens ne se bousculent pas pour enrôler Jardel. Snobé par les top clubs et désireux de changer d’air, il finit par répondre favorablement à l’offre du Galatasaray, récent vainqueur de la coupe de l’UEFA. Il rejoint donc la formation stambouliote en juillet 2000. A peine arrivé, il marque les esprits en inscrivant un quintuplé lors de son premier match de championnat (un succès 7-0 face à Erzurumspor) suivi d’un doublé décisif en finale de la Supercoupe d’Europe (victoire de Galatasaray sur le Real Madrid). Tout laisse alors penser qu’il va marcher sur la ligue turque. La suite sera cependant un peu moins probante. Il peine à s’adapter à la vie turque à cause de problèmes personnels (son mariage bat de l’aile) et de soucis physiques récurrents. Sa saison est tout de même positive. Il inscrit 22 buts en 24 matchs de championnat (34 buts en 43 matchs TCC). Entretemps, Luiz Felipe Scolari, son ancien entraîneur au Grêmio, a pris les rênes de la sélection brésilienne. Il décide de l’inclure dans sa liste pour la Copa America 2001. Privé de nombreux titulaires, la Canarinha se fait sortir dès les quarts de finales par le Honduras (0-2). Remplaçant durant tous les matchs, Jardel n’a jamais pu faire la décision. Ce sera sa seule compétition majeure avec le maillot auriverde. Il ne sera plus jamais appelé par Scolari.

Retour au Portugal

Malheureux en Turquie, Jardel demande à partir durant l’intersaison 2001. L’Olympique de Marseille semble tenir la corde mais le transfert capote à cause des prétentions salariales de l’avant-centre brésilien. En quête d’un renfort offensif, le Sporting CP saute sur l’aubaine et s’attache ses services dans les dernières heures du mercato estival (il est échangé avec Mbo Mpenza, Robert Spehar et Pavel Horvath pour faire baisser l’indemnité de transfert). De retour dans un championnat qu’il connait bien, il renoue avec ses bonnes habitudes et réalise une saison de mammouth (42 buts en 30 matchs de championnat, 55 réalisations en 42 matchs TCC). Il guide le club lisboète vers un doublé coupe-championnat, s’adjuge les titres de meilleur buteur de Primeira Liga et de la coupe du Portugal avant d’être désigné Soulier d’Or Européen. En dépit de cet exercice en tous points réussi, il est snobé par Scolari qui ne le sélectionne pas pour le Mondial 2002. Si tout semble aller pour le mieux pour Jardel, sa vie personnelle part en vrille. Son épouse demande le divorce et ses addictions finissent par le rattraper. Il revient en surpoids à la reprise de l’entraînement et est provisoirement écarté de l’équipe. La fin de son mariage le fait sombrer dans la dépression. Jardel ne sera plus jamais le même joueur. Il ne retrouve les pelouses que début 2003. Si sa saison ne semble pas si mauvaise au plan statistique (11 buts en 19 matchs de championnat, 12 pions en 20 rencontres TCC), il ne parvient pas à sortir de sa déprime. Toutes choses qui poussent les dirigeants Leões à se débarrasser de lui.

Le déclin

En aout 2003, il trouve une porte de sortie et est transféré à Bolton. Son aventure chez les Wanderers sera un fiasco. Il ne marque que trois buts, tous en League Cup, en onze apparitions TCC (sept matchs de championnat). Déçus, les dirigeants anglais ne le retiennent pas et le prêtent à Ancône, dernier de Serie A, lors du mercato hivernal. Toujours en proie à ses soucis mentaux et ses problèmes de poids, Jardel n’est plus que l’ombre du joueur qu’il fut. Il ne signe que trois apparitions en championnat italien sans jamais trouver le chemin des filets. En surpoids et démotivé, il est même surnommé Lardel (en référence au lard) par les tifosi. Sans surprise, il n’est pas conservé par Ancône qui est relégué en Serie B. Les Bolton Wanderers mettent fin à son contrat. En aout 2004, il s’engage en faveur des Newell’s Old Boys. L’aventure argentine tournera court. Il inscrira trois buts en trois matchs pour ses seules apparitions avec le club de Rosario. Laissé libre, il reste un moment sans club avant de s’engager avec Goias, club de première division brésilienne, en septembre 2005. Il ne marquera qu’un seul but en quatre matchs et son contrat n’ira pas à son terme. A l’orée de la saison 2006-2007, il retourne au Portugal et s’engage avec Beira Mar. Bien que hors de forme, il travaille dur pour retrouver un niveau décent. Il n’y restera qu’une demi-saison, le temps d’inscrire trois buts en douze matchs de championnat. Dès le mercato hivernal 2007, il rejoint l’Anorthosis Famagouste, un club de D1 chypriote. Il n’y jouera que sept matchs (deux buts marqués) avant d’être de nouveau libéré.

La déchéance

A bientôt trente-quatre ans, Jardel ne semble pas décidé à se retirer malgré son déclin physique manifeste. Après un essai à St Mirren (D1 écossaise), il signe aux Newcastle Jets, un club australien, en aout 2007. Une fois de plus, l’expérience ne sera pas concluante. Il n’inscrit aucun but en onze matchs de A-League et est laissé libre en fin de sa saison. Il revient au Brésil mais ne parvient pas à trouver preneur parmi les formations de première division. Il prend le chemin des divisions inférieures. On le retrouvera successivement à Criciuma (D2), au Ferroviario AC (D4), à l’America Fortaleza FC (D3) puis au Flamengo do Piaui (D4) entre 2008 et 2010. Il fera même une pige de huit matchs au Cherno More (D1 bulgare) en 2010-2011 (il quittera le club au bout de quelques mois à cause des conditions climatiques) avant de s’offrir un tout dernier défi à Rio Negro, un club de Manaus. Il raccroche définitivement les crampons en 2011 avant de se lancer dans la politique. En 2014, il est élu député de l’état du Rio Grande do Sul. Il est cependant destitué en 2016 suite à des accusations d’extorsion de fonds, de détournement de fonds et d’emplois fictifs.

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